LES CHATS PERCHES DE SAINT CIRQ: Un petit village imaginaire

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jeudi 7 avril 2016

Un petit village imaginaire

Les chats donnent la parole à un citoyen excédé qui s'exprime avec humour ...

Agressé depuis plusieurs jours, depuis 7h du matin jusqu'à 7h du soir, par les bruits incessants de construction d'une extension de parking commandée par l'autorité municipale, et dans l'impossibilité de mener quelqu'activité que ce soit dans des conditions normales, je me suis trouvé contraint de composer ce petit monde imaginaire. J'y fus envoyé, moyennant des boules "quiès" bien enfoncées dans les oreilles, un casque sur la tête avec atténuation de bruit, et une musique de Beethoven dedans, pour atténuer l'agression sonore.
Dans ce monde imaginaire, il était question de hâter la venue d'un idéal. On y réfléchissait sur le village idéal, sur la figure de l'habitant, du touriste et du maire.

Un beau village médiéval : "idéalement sans habitant"
- idéalement sans habitant car sa raison d'être est le tourisme. En conséquence, seuls les touristes et ceux qui viennent travailler pour les touristes y auraient droit de cité.
- cet idéal permet de se débarrasser de la démocratie localement, qui n'est qu'un obstacle. Par conséquent, c'est un territoire idéalement géré à distance depuis un autre territoire. Un objet sans résistance, malléable à merci, soumis à tous les caprices et fantaisies de l'autorité municipale.
- toute zone du village qui n'en est pas le cœur doit être susceptible d'être accaparée pour étendre la surface des parkings.
- un tel village n'est jamais assez visité même quand il est assez visité ; n'est jamais assez connu même s'il est très connu. Le connaît-on au Japon ? Le connaît-on en Afrique du Sud ? Il reste toujours des territoires à informer de son existence, par toutes sortes de publicités possibles. On peut toujours combler les vides dans les ruelles et dans l'année. L'idéal serait que les ruelles soient pleines, tout le temps. Vient-on à se demander comment circuler, voir, et respirer ? On pourrait penser à de l'huile de rouages pour la circulation.
- un tel village ne se regarde que vers l'intérieur, avec des œillères, car autour il est envisageable de multiplier les parkings par exemple, ou autres commodités, jusqu'à l'occupation totale du pourtour. Un parking est bien sûr laid et le cœur d'un village médiéval est beau, mais en est-on bien sûr ? La vue sur parking ne pourrait-elle pas devenir souhaitable à tout être humain doué de sens esthétique ?Ne pourrait-elle pas être une réalisation dont la civilisation serait fière ?

Un habitant : "un être méprisable"
- s'il ne se manifeste pas, c'est comme s'il n'existait pas, et donc l'autorité municipale n'a pas à penser à lui, par exemple en ayant la courtoisie de s'excuser pour les agressions qu'il va occasionner, sonores ou visuelles, et en expliquant les raisons légitimant cette agression.
- s'il manifeste par contre à l'autorité municipale sa désapprobation, c'est un parasite, ou un obstacle, à abattre ou contourner, ou à ignorer royalement.
- en bref, il est méprisable, digne d'aucun respect, et dans l'idéal il ne devrait pas exister du tout. Plus d'habitant, c'est l'idéal. Difficile de retenir en effet l'hypothèse sadique : qu'avoir des habitants pourrait donner occasion de ressentir le plaisir de les faire souffrir.

Un touriste : "une tire-lire qui ne voit pas le bitume"
- il doit circuler, et acheter, que cela soit de beaux articles de l'artisanat local ou des cochonneries,
peu importe.
- il doit payer le parking, ce qui lui donne une forme de tire-lire.
- c'est un être qu'on entasse le plus possible, et il adore d'ailleurs le bruit et faire la queue-leu-leu.
- il ne doit donc pas vraiment ouvrir les yeux, sinon pour voir quoi ? Si jamais il arrive à voir, de
toutes manières, il ne regarde que le centre du village et n'en voit pas le site, les alentours, ce qui
rend possible les parkings.
- l'un de ses intérêts majeurs est de se garer le plus près possible du centre donc les parkings doivent se rapprocher ou il faut des navettes. Pourquoi pas un parking sous le village ?
- c'est un être qui n'écrira jamais que ce village est une rose impossible dans un écrin de verdure, car il ne voit pas l'écrin, et que la construction sans limite des parkings, met à mal l'idée de verdure. L'écrin, s'il le voyait, serait de bitume.

Un maire : "un enfant avec son jouet"
- il ne doit s'intéresser qu'à son prestige personnel d'avoir "développé" le village, et qu'au plaisir d'exercer son pouvoir.
- ne devrait-il pas être propriétaire du site, une sorte de baron sans noblesse ? Il est bien légitime qu'il se trouve surpris de l'existence des habitants, s'ils se manifestent, ou si des règles de droit lui sont rappelées pour la réalisation de ses caprices. De si dérisoires obstacles ne sont que méprisables.
- il réalise enfin l'image parfaite d'un enfant avec son jouet.
- il ressemble aussi un peu, à déclencher des travaux à la sonorité extraordinaire, à la belle figure de l'automobiliste mettant la radio à fond, les fenêtres ouvertes, en ville. Mais la comparaison est un peu boiteuse car l'automobiliste ne fait qu'un bref passage avec sa musique généreusement offerte à tout le monde, et que les sons sortant de l'automobile sont quand même trop proches de la musique, alors que les sons des travaux en sont bien éloignés, et que l'automobiliste les entend, alors que l'autorité décisionnaire est en général bien loin.
- il collecte de l'argent pour faire du "développement". Le développement comprend les parkings, et ne doit pas être arrêté par des idées saugrenues comme la préservation d'un site, ou l'idée que le site est d'extension limitée alors que l'afflux de touristes peut s'accroître sans limite assignable, car le développement doit être illimité. L'idéal c'est l'occupation totale de l'espace toute l'année. Le plein. Une fois cela réalisé, il faudra aller le faire ailleurs, sinon c'est l'ennui assuré pour l'autorité municipale. Le vide c'est l'enfer ! L'important c'est de faire, pas de penser. Ne rien faire est le péché absolu !

Signé : Un habitant de St Cirq Lapopie

6 commentaires:

  1. comme je te comprends

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  2. ah qu'il était beau notre village dans les années 60

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  3. Un électeur anonyme7 avril 2016 à 21:25

    André BRETON lui-même ne reconnaîtrait pas "sa" rose et il cesserait de se désirer ici.
    Il doit se retourner dans sa tombe ; si vite que si on l'équipait d'une dynamo, on pourrait arrêter le nucléaire !

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  4. Un grand merci à cet anonyme qui gagnerait (??? ) à être connu pour sa contribution pleine de pertinence, de clairvoyance.

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  5. Chat-m'écoeure11 avril 2016 à 15:59

    Tout habitant ayant choisi de vivre à St-Cirq avant la triste époque que nous traversons actuellement ne pourra qu'approuver ce texte, dont l'humour cache néanmoins mal le désarroi et le dégoût de son auteur pour les sultans qui prétendent nous gouverner. Mais tout a une fin et les destructeurs de patrimoine seront promptement mis dehors. Quel gâchis, que de dégâts, quel mépris des habitants laisseront ces tristes personnages même s'ils retournent dans l'oubli d'où ils n'auraient jamais du sortir...

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  6. Cet article n'a rien perdu de sa pertinence en cette fin d'année 2018. Les mêmes acteurs, le même gâchis, le même mépris, la gabegie toujours renouvelée. Mais réjouissez-vous braves gens, le pavage intégral du village est promis pour l'été prochain; il faudra par contre chercher l'ombre sur ce qui fut autrefois la place du village. Affligeant !

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